En
1914, la guerre éclate sur le vieux continent, et, comme beaucoup
d'autres hommes, de nombreux acteurs sont mobilisés. La
production
cinématographique européenne est alors presque totalement interrompue,
et lorsque le public se réfugie
dans les salles obscures pour tenter d'oublier les horreurs du front, il
se retrouve nez à nez avec Charlie Chaplin. Ce jeune américain a
su, et c'est là une des raisons de son grand succès, proposer un style
original, inventant face à la caméra son personnage malchanceux,
facilement reconnaissable avec sa moustache et son chapeau melon. Son
allure inimitable lui permet de détrôner en peu de temps l'élégant
Max Linder, qui, après avoir été découvert par Charles Pathé,
régna sur les écrans jusqu'aux premières heures de la guerre. Le
désormais célèbre Charlot, lui, fut, lors de ses débuts, parrainé
par le réalisateur Mack Sennett, dont l’intuition a aussi permis de
lancer Glorias Swanson, Mabel Normand et Fatty Arbuckle. Parallèlement
à sa recherche de nouveaux talents, ce cinéaste américain, metteur en
scène des Keystone Comedies, toujours entouré de ses Bathing Girls,
tourne des films remplis
de bonne humeur, et devient, en peu de temps, l'un des premiers grands
maîtres du burlesque, mêlant allègrement courses folles et tartes à
la crème.
A
Los Angeles, l'industrie cinématographique est alors en plein essor,
et, grâce au ralentissement brutal de la production sur le vieux
continent, elle exporte, dans des quantités qui ne cessent de croître,
ses diverses mises en scène. C'est donc à partir de 1914 que
le
septième art américain, jusque là soumis à la
suprématie européenne, va s'imposer comme la plus importante, et
probablement la plus
influente, des cinématographies mondiales. En 1919, les films
venus des États-Unis représentent environ 90 pour cent des projections
réalisées dans les salles des cinémas européens. Ce développement
impressionnant est un des principaux facteurs qui donne naissance à la
fascination pour un lieu, aujourd'hui mythique, où sont regroupés
tous les studios des plus grandes entreprises de
production, Hollywood. C'est en effet pendant la guerre, que le temple
du septième art, qui connaîtra ses glorieuses années entre 1920 et
1960, commence à attirer plusieurs cinéastes européens et notamment
français.
Parmi eux, Louis Gasnier, l'un des plus célèbres à cette époque, s’installe sur la côte
ouest des États-Unis, après que Pathé lui ait
proposé d'aller y diriger
une de ses filiales. Fort de l’expérience acquise en ayant, quelques
années auparavant, mis en scène les premiers Max Linder, il se lance, dès
1914, dans la réalisation de films à épisodes. Avec les mystères
de New-York, dans lequel le public découvre Pearl White, il connaît
rapidement un succès prodigieux. Un an plus tard, c'est au tour de Louis
Feuillade, le créateur du bondissant Fantômas, de présenter
Les vampires. Puis, en 1916, deux ans après son triomphe avec
Naissance d'une nation, David W. Griffith est à nouveau sous le feu
des projecteurs, avec un film intitulé Intolérance, dont
l’impressionnante mise en scène regroupe
quatre épisodes de l'histoire du
monde. Le tournage, lui, engloutira un budget de deux millions de dollars, ce
qui est colossal pour l'époque, et réunira devant les caméras plusieurs
milliers de figurants.
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